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Duda Moraes, les forces à l’œuvre.
Débordantes d’énergie, de floraisons sans raison ni ordre, les toiles de Duda Moraes semblent au premier regard abonder en notre sens : satisfaction d’un exotisme si ce n’est joyeux du moins immédiatement vivant et coloré, intranquille mais exultant.
Mais, et c’est le titre de cette série de 2023, Duda Moraes nous invite aussi à « Regarder les fleurs ».C’est-à-dire à nous arrêter, à sortir des images toutes pensées et des clichés tropicaux, du cadastre et des calendriers de l’art et de l’émotion.
Et ce que l’on voit est alors tout autre : ce sont les gestes, les mouvements et les épaisseurs, les substances, les élancements, les esquisses, les impatiences, les indécisions et les fermetés : toute une activité et théâtralité chtonienne sur la toile qui soutient le floral. Et la pensée. Travail et germination, une viscérale abstraction, quelque chose sous la couleur.
Les fleurs de Duda combinent ces « forces imaginantes » dont parlait Gaston Bachelard dans sa préface à « L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière » (José Corti, 1942).
Les unes trouvent leur essor devant la nouveauté ; elles s’amusent du pittoresque, de la variété, de l’événement inattendu. L’imagination qu’elles animent a toujours un printemps à décrire. Dans la nature, loin de nous, déjà vivantes, elles produisent des fleurs.
Les autres forces imaginantes creusent le fond de l’être ; elles veulent trouver dans l’être, à la fois, le primitif et l’éternel. Elles dominent la saison et l’histoire. Dans la nature, en nous et hors de nous, elles produisent des germes ; des germes où la forme est enfoncée dans une substance, où la forme est interne ».
Entre baroque et aridité, explosive musicalité et lent travail de cataclysme, le foisonnement ici à l’œuvre est d’un contemporain radical.
J.C. SchliwinskiAuteur
/Documentariste Février 2024